Ma conscience ? Pas au courant
Aucune semaine de carrière médicale n’est passée sans que j’entende, dans la bouche d’une patiente en surpoids manifeste : « Pourtant vous savez, docteur, je ne mange presque rien ! » Pourquoi aller au conflit ? Elle l’est déjà avec elle-même, avec son propre bon sens. Je soutiens gentiment celui-ci. « Nous n’absorbons pas l’air ambiant. Il y a des entrées et des sorties. Calories ingérées et brûlées. La balance chez vous n’est pas bonne ».
Le domaine alimentaire montre la conscience comme passagère à bord d’un corps bondé d’automatismes. Peur du manque, cachée. Les mains ramassent à notre insu tout ce qui traîne. En train de rêver sur le pont de 1ère classe, la conscience ne perçoit rien des névroses et misères des ponts inférieurs.
Chez beaucoup de gens privés simplement d’empathie, l’inconscient réagit en accaparant ce qui reste disponible. Nourriture, corne d’abondance actuellement la plus accessible. Les cales se remplissent, le bateau reste à quai. Doté à l’intérieur d’une armée de constructeurs, il se dote de cales supplémentaires. Le corps enfle.
Ce qui freine la prise mais aussi la perte de poids
Pourquoi ne gonflons-nous pas de manière illimitée lorsque les entrées sont continuellement en excès ? Une compensation opère. Le corps dépense une énergie croissante à déplacer son énorme masse. Il brûle davantage de calories. La prise de poids ralentit et trouve un nouvel équilibre. Du moins chez ceux qui se déplacent encore. Les handicapés immobilisés n’ont pas de réelle limite. C’est la fonction cardiaque qui finit par atteindre la sienne.
Un ralentissement guette aussi celle qui cherche à maigrir seulement par la dépense physique. Elle atteint un seuil où le poids ne descend plus. Elle devrait augmenter exponentiellement sa dépense de calories pour continuer à perdre. Le plus raisonnable est de commencer à s’occuper des entrées.
Un petit reportage sur soi
Rien ne remplace, en cette matière, les conseils d’une diététicienne. La condition du succès ? Que notre conscience soit vraiment aux commandes, au lieu de chercher à cacher son impuissance à son entourage. Et si je faisais un petit reportage sur moi ? Vérifions les faits. Plaçons donc quelques webcams dans la maison et laissons tourner une semaine. Voici ma conscience enfin équipée de son système de surveillance.
Pas besoin de garder la CIA longtemps en éveil. Une fois ma conscience enfin au courant des réalités, elle va enfin reprogrammer correctement mes automatismes. L’inconscient n’est pas un cerveau second rebelle. Seulement un animal instinctif assez obtus et lent à rééduquer. Cela a des avantages. Un tel conservatisme fonde la continuité de ma personnalité. Et la protège. Ma conscience sait-elle toujours correctement le bricoler ? Parfois il a raison de résister. Notre intuition nous le fait savoir.
Maigrir, c’est amincir le flou sur l’avenir. Gagner du contrôle sur sa vie.
*