Attention à la petite barre lombaire !

Abstract: La petite lombalgie en barre, si fréquente après les efforts inhabituels, est la sonnette d’alarme préalable à la protrusion ou la hernie discale. La douleur devient vite mauvaise conseillère, trop intense et permanente. Effaçons-la si nécessaire par des antalgiques, mais seulement pour pratiquer les indispensables exercices de mobilisation du noyau discal qui éviteront à la discopathie de perdurer.

Avertissement: Je traite dans cet article la lésion discale, cause la plus fréquente de lombalgie. Il en existe d’autres. Ne faites pas tout seul votre diagnostic. Vérifiez-le avec des avis spécialisés et visitez éventuellement cette page dédiée sur mon ancien site.

La lombalgie est la cause principale d’invalidité dans le monde et touchera plus de 800 millions de personnes en 2050, dixit l’étude GBD (Global Burden of Diseases, Injuries, and Risk Factors Study) (1). Est-elle liée au port excessif de charges ? Mais dans ce cas pourquoi sa prévalence ne fait-elle que progresser alors que les moyens mécanisés diminuent constamment les efforts humains ? L’explication est posturale. Comment le rachis réagit-il aux charges? Voilà notre question principale.

La colonne, ressort de nos vies

Avant d’aborder la lombalgie, examinons la structure concernée : le disque intervertébral.

Les schémas du rachis ne manquent pas sur le net. Cette coupe horizontale montre les choses importantes. La structure du disque délimite nettement un anneau extérieur de fibres dures (annulus), et un centre mou (nucleus pulposus). L’articulation intervertébrale n’est pas si différente des autres. Habituellement un cartilage recouvre les extrémités osseuses et un lubrifiant naturel, la synovie, occupe l’espace entre surfaces cartilagineuses. Le disque est l’adaptation particulière de ce système au rachis. L’annulus est un cartilage continu entre plateaux vertébraux, les reliant plus solidement qu’un simple appareil ligamentaire. Au centre, le nucleus est une “synovie armée”, gel de protéines glycosylées renforcé de fibres collagène en suspension et des cellules assurant leur entretien. La combinaison gel/fibres assure l’élasticité : ni trop ferme ni trop mou, le nucleus est un bon amortisseur.

Des amortisseurs pour courir

L’association d’un annulus ferme et d’un nucleus souple augmente les qualités d’amortissement lors du mouvement. En effet les inflexions du rachis écrasent alternativement les bords du disque, fatiguant les fibres de l’annulus. Mais le déplacement du nucleus vers le côté opposé à l’inflexion diminue nettement les tensions sur les fibres.

Sans les cartilages et les disques pour amortir, les micro-chocs liés à nos déplacements créent facilement des fissures sur les os à nu. C’est l’origine des douleurs permanentes des arthrosiques quand ils appuient sur leurs vieilles articulations. L’ingénieur automobile a imité la Nature en revêtant ses roues de pneus.

Un axe résistant et mobile

La colonne lombaire supporte la moitié supérieure du corps et la charge portée par les bras. Le diamètre de ce “mât” planté sur le bassin ne dépasse pas 5cm sur la plus grosse vertèbre, la 5è lombaire. Cet axe doit pouvoir s’orienter dans l’espace, la désolidarisation des jambes et des bras offrant de grands avantages évolutifs, sans parler de la tête, une tourelle particulièrement mobile. Résistance et mobilité ? Comment concilier ces deux impératifs ?

Le disque fait 1/6 de la hauteur de la vertèbre ce qui fait de la colonne la partie la mieux “amortie” du squelette avec 1 cm de “pneu” pour 6 cm d’os. Deux autres facteurs protègent cet axe vertical :

1) Sa triple courbure: lordoses cervicale et lombaire reliées par la cyphose dorsale. Cette courbure du profil assure un effet ‘ressort’ à la marche. De face la colonne est droite.

2) Son gainage musculaire, protecteur de deux manières: a) Le tonus musculaire assure un verrouillage (le “béton” entoure la “tige en acier” de la poutre). b) Une bonne coordination des muscles lors du mouvement est assurée par la proprioceptivité.

L’importance de la proprioceptivité

La proprioceptivité est le contrôle neurologique harmonieux du mouvement. Nos influx sensoriels montent vers des carrefours sensitivo-moteurs, qui renvoient à chaque muscle la contraction ajustée pour un mouvement fluide. Bien bouger est plus important que d’avoir des muscles puissants. Plus ces automatismes neurologiques sont utilisés plus ils se maintiennent et s’affinent. Plus on bouge mieux on bouge. A contrario rester immobile nous désaccorde lentement.

Proprioceptivité et force sont corrélées. Faire de la musculation augmente aussi la coordination des muscles. Mais attention ! C’est la variété de la gestuelle qui fait la finesse proprioceptive. Les sports proposant une large gamme de mouvements et les laissant libres (danse, arts martiaux, randonnée en terrain accidenté) élargissent beaucoup notre proprioceptivité, tandis que les sports instrumentaux et mécanisés contingentent davantage les mouvements. Pratiquer de multiples sports différents rend plus proprioceptif qu’un seul. Le système nerveux s’adapte à des contextes plus variés.

Ce qui favorise la lombalgie

Quels sont les facteurs de risque de lombalgie en rapport avec les propriétés du rachis que nous venons de voir ?
-Les grands ont plus de chances de souffrir de la colonne (2), par l’allongement de cette axe vulnérable sans forcément une augmentation de musculature et de proprioceptivité compensatrices.
-La triple courbure est plus ou moins marquée: trop rectiligne, l’effet ressort est moins bon ; disques et vertèbres encaissent des chocs plus rudes. Trop marquées les courbures provoquent des hyperpressions importantes à leurs points d’inflexion et favorisent des douleurs à ces endroits (“creux des reins”, bosse du dos).
-Une courbure de face est anormale. C’est la scoliose, facteur de douleurs à ces points d’inflexion supplémentaires.

Attention les courbures anormales ne causent pas de douleurs en elles-mêmes, tout dépend du mode de vie ! Un employé de bureau se portera mieux avec une colonne raide. Il n’a pas besoin de souplesse mais au contraire d’un axe qui tient droit tout seul, le bureau ne favorisant guère la tonicité des “haubans” musculaires. Des courbures plus marquées sont par contre favorables chez ceux toujours en mouvement, qui profitent d’un meilleur effet ressort.

On se démuscle assis

Le gainage musculaire s’affaiblit avec les postures statiques, debout et assis, particulièrement fréquentes chez les sédentaires. Le corps économise ses ressources. Dans ces périodes inactives, un tonus basique suffit à maintenir droit le rachis. De minuscules ajustements de contraction, effectués en permanence par nos automatismes, suffisent à garder l’équilibre. Rien de fatigant. Bouger peu affaiblit la musculature, même si la colonne est en charge. C’est particulièrement net chez les personnes âgées, dont le remplacement des vieilles cellules par des neuves se fait moins bien, et très mal en l’absence de stimulus physique.

Quant à la proprioceptivité, elle tombe carrément en friche avec l’activité bureautique. Seuls les doigts et les muscles oculaires travaillent, pas vraiment en force. Nous perdons en aisance à bouger. L’une des pires innovations dans les entreprises est la facilitation des déplacements, qui réduisent encore l’occasion de faire travailler nos automatismes. Patinettes, planches gyroscopiques, escalators, ascenseurs pour monter un ou deux étages, toutes ces assistances sont un fléau pour l’hygiène de vie dans un immeuble de bureaux ! Ne marche-t-on pas sur la tête quand au lieu de les supprimer on ajoute des salles de gym ?

La lésion discale

Venons-en aux lésions. Un gainage insuffisant ou une mauvaise coordination accentue les contraintes sur les disques. Tout en bas les lombaires sont les premières victimes, d’autant que la cambrure rend les pressions plus fortes à l’arrière. La partie postérieure de l’annulus se fait écraser, toujours au même endroit lors des postures statiques. Il se fragilise et résiste moins bien aux déplacements du nucleus vers l’arrière, quand nous sommes penchés en avant.

Se pencher c’est comprimer l’avant du disque, donc pousser le nucleus vers l’arrière. L’annulus fait barrage. Mais ses fibres se fissurent quand les pressions se prolongent et se répètent, créant une zone de moindre résistance. Les autres fibres de cette zone subissent des tensions accentuées et cèdent plus facilement à leur tour. Un chenal se crée à travers l’annulus, où s’engage le gel du nucleus. Stade initial d’une hernie discale, qui prend ce nom lorsque le gel finit par traverser l’annulus et faire irruption hors du disque.

Quand l’annulus s’entrouvre ou cède

Quand les fibres de l’annulus cèdent, elles s’écartent comme une porte défoncée par un bélier. Une partie du gel passe, puis les fibres se referment, empêchant le retour en arrière. Les fibres font clapet. Le gel ne peut que continuer sa fuite vers l’extérieur du disque. La cicatrisation de l’annulus, possible au début, devient inefficace quand le gel s’accumule.

Cas particulier : le lâchage complet de l’annulus, rupture large qui permet au nucleus de se répandre facilement derrière le ligament postérieur. Les symptômes sont ceux d’un gros lumbago avec une douleur large et médiane. L’intolérance à la mise en charge est particulièrement nette. Allongé ça va, mais impossible de rester assis ou debout longtemps : le nucleus n’est plus ‘contenu’ et fait immédiatement pression sur le ligament postérieur. Mais pas d’effet clapet ici. La pression diminue dès que l’on s’allonge, ce qui rend la douleur moins permanente. La reprise des activités se fait très progressivement, à mesure que le nucleus se fige. C’est en effet le mode de cicatrisation de la hernie : l’inflammation transforme le gel en un tissu cicatriciel moins mobile et irritant.

Les types de hernies

L’importance de la herniation fait utiliser plusieurs termes. Peu volumineuse on parle de ‘protrusion’. Passé l’annulus elle n’est pas encore dans un espace libre. L’arrière des vertèbres et des disques est tapissé par un ligament épais (vertébral postérieur) qui se fait soulevé par le gel expulsé. On parle de hernie ‘sous-ligamentaire’. Elle est particulièrement douloureuse, le ligament disposant de riches terminaisons nerveuses pour appeler au secours !

La pression initiale éjecte parfois la hernie à travers le ligament postérieur. On parle de hernie ‘exclue’. La pression sous le ligament est moins forte, ainsi que la douleur lombaire. Mais l’irruption de la hernie dans l’espace intervertébral n’est pas sans conséquence. À cet endroit passe une grosse racine nerveuse. Les racines lombaires forment les nerfs sciatique et crural qui assurent la commande du membre inférieur. La douleur s’étend à ce territoire quand ils se font agresser.

Au feu !

Ce n’est pas la hernie elle-même qui provoque la douleur sciatique. Son volume ne fait que comprimer la racine nerveuse, ce qui isolément produirait un engourdissement et une paralysie plus ou moins sévère, comme lorsque vous dormez sur un bras replié en mauvaise position. La douleur sciatique, si terrible qu’on est parfois obligé d’opérer la hernie en urgence, provient de l’inflammation déclenchée en réaction à la hernie. Celle-ci est traitée comme un corps étranger. Les cellules éboueuses cherchent à débarrasser l’espace local de sa présence. L’inflammation détruit les tissus abîmés par un processus enzymatique puis refait des tissus neufs (la cicatrice).

Le malheureux nerf sciatique est en plein dans le foyer inflammatoire. Au feu! Au feu! hurle-t-il dans votre esprit. Mais contrairement à la hernie, il est à sa place et finira par cicatriser… dans un délai variable, souvent après des mois de douleurs particulièrement pénibles. Des séquelles sont possibles (perte de sensibilité du territoire sciatique, paralysie plus ou moins importante). Généralement liées à l’agression initiale et sévère du nerf, elles ne sont malheureusement pas diminuées par l’intervention chirurgicale (exérèse de la hernie) sauf si celle-ci survient dans les toutes premières heures.

Mais la décision est rarement aussi instantanée. Au-delà les chirurgiens ne se précipitent plus sur la hernie, sachant que la plupart guérissent spontanément. C’est la persistance de la douleur qui est l’indication opératoire la plus courante, tandis que la progression du déficit neurologique est plus rare. La plupart des déficits sont présents d’emblée et liés à la rupture d’une partie des fibres nerveuses. Opérer ne les fera pas repousser plus vite.

Quand s’inquiéter ?

La hernie, handicapante et irréversible, est le stade final de la discopathie. Il existe des méthodes préventives, comme dans le domaine osseux où il est dommage d’attendre un tassement vertébral pour traiter une ostéoporose. La prévention est moins facile pour le disque, cependant. Contrairement à l’os, la médecine ne dispose pas de médicaments efficaces pour renforcer un cartilage.

Faut-il s’inquiéter de toute douleur lombaire ? Non. Beaucoup de douleurs sont tout simplement celle de la réparation après effort, et cette réparation est très efficace la plupart du temps. Tout le monde éprouve des lombalgies et peu font des hernies invalidantes. Une douleur après effort est normale mais doit s’estomper en quelques jours maximum. L’annulus cicatrise. Inutile de réclamer des examens complémentaires systématiques. Les rayonnements ne sont pas anodins et les examens n’établissent pas si le disque est dans une courbe de cicatrisation ou de dégradation. Ils font seulement le point sur l’état d’inflammation et de détérioration du disque à un moment donné.

Ressentir finement les signaux corporels

L’évolution des douleurs est une information plus utile. Vos sensations sont la première source d’informations vraiment personnalisées. Leurs contrastes vous guident. L’inflammation étant un phénomène réparateur, elle n’est pas anormale en soi. C’est un processus cyclique qui part d’une réaction enzymatique initiale (douleur aiguë qui correspond à la destruction des tissus lésés) jusqu’à la cicatrisation (douleur plus sourde et moins permanente, dépendante des activités et postures). Vous devez vérifier que vous avancez dans le cycle. Une douleur stagnante fait conseiller de changer votre vie habituelle, parfois en abandonnant un repos inefficace parce que ne stimulant pas assez la réparation.

Nous avons vu que les intrusions du nucleus dans l’annulus sont de moins en moins réversibles. Ne négligez donc surtout pas les petits lumbagos qui se répètent et traînent de plus en plus. Ces douleurs sont potentiellement celles de l’accouchement d’une hernie ! Il est temps de prendre les mesures que je vais maintenant détailler.

Comment prévenir la lésion ?

Le protocole a un nom assez pompeux : éducation thérapeutique. Aucun médicament ne répare votre disque, donc. Les anti-inflammatoires ne font que masquer la douleur, voire gênent la cicatrisation du disque. L’inflammation est ce qui répare, avons-nous dit. Prenez un comprimé seulement pour écrêter une douleur insupportable et à condition d’en tirer un bénéfice net. La sciatique est la plus pénible et c’est une douleur de nerf excité plutôt que d’inflammation, difficile à calmer sauf avec de la morphine, qu’il n’est pas conseillé de prendre longtemps à cause de la dépendance. En même temps que vous cherchez un soulagement avec les cachets, décidez impérativement de changer d’habitudes, pour abandonner rapidement ce soutien superficiel.

L’éducation thérapeutique, appelons-la plutôt auto-gestion. La conscience est la gestionnaire de nos vies. Le corps se plaint ? Votre conscience est là pour trouver une solution, pas seulement répercuter la plainte vers le professionnel. Aucun médecin, kiné ou ostéopathe n’est directement aux commandes de cette colonne qui souffre. Au-delà des prescriptions antalgiques, ils sont là pour transmettre un savoir à votre conscience. Car leurs données d’examen restent grossières, bien loin de la finesse de ce que vous ressentez. Les scanners ne font que classer dans une catégorie, proposer un modèle du problème. C’est connaissant le détail du modèle et en vous engouffrant dedans avec vos sensations particulières, que vous pouvez personnaliser votre prise en charge et vous auto-améliorer.

L’auto-gestion est une auto-organisation

‘Auto-organisation’ est un terme essentiel car il symbolise une direction précise : des micromécanismes vers le résultat. Beaucoup d’éducations sont des échecs parce qu’elles ignorent ce principe. Au lieu de partir de la physiologie naturelle du corps et se diriger vers la guérison espérée, ce sont des points d’étape qui servent de base. « La douleur doit cesser », « Je ne peux plus porter de charges », « Je dois changer de travail ». La conscience est en train d’exprimer ses craintes et désirs au lieu d’examiner les mécanismes naturels à corriger. Il est bien sûr normal de tendre vers nos désirs, mais en faire des règles est souvent la meilleure manière de les laisser insatisfaits. Le monde ne les utilise pas comme règles fondamentales. Notre corps non plus en fait. Il a ses raisons biologiques.

Jouer des ressorts

Pour l’auto-gestion, vous êtes à pied d’oeuvre à présent. Vous avez compris le rôle du rachis et ses disques. C’est un ressort conçu pour des mouvements vifs et fréquents. Le squelette du chasseur-cueilleur n’a pas changé depuis la préhistoire. Il est conçu pour courir et grimper aux arbres, pas pour rester immobile à un bureau, une caisse, un plan de travail. Il n’aime pas trop non plus l’agriculture et ses postures trop permanentes, ses gestes répétitifs. La colonne est une tige fantasque qui aime danser.

Les disques l’accompagnent dans cette danse, en tant qu’amortisseurs mobiles. De droite à gauche, d’avant en arrière, ils apprécient de subir pression et dépression en alternance, mais pas les charges statiques et prolongées. Les pressions intermittentes stimulent les cellules qui entretiennent le disque, tandis que les écrasements permanents font céder les fibres collagènes et gênent la microcirculation des nutriments dans les liquides interstitiels et cellulaires.

Soyez vifs !

Le maître-mot de l’auto-gestion est : du mouvement !! Le lombalgique doit reprendre des alternances d’appui, arrêter de tout faire doucement, figé, comme si le moindre mouvement pouvait occasionner une hernie. Il ne doit pas traîner quand il est debout, car il charge son disque. Il faut donc se dépêcher ! Plus de vivacité est un impératif pour le douloureux chronique. Davantage que la taille ou le poids c’est le tempérament qui favorise les lombalgies. Les gens vifs font des crises de lumbago comme les autres mais oublient plus vite leurs douleurs et reprennent les activités protectrices plus rapidement.

Augmenter le mouvement est essentiel, mais pas n’importe comment. Surtout si vous avez une sciatique. N’oublions pas que la racine nerveuse est facilement agressée par la protrusion discale. Si vous tortillez trop l’endroit où elle est serrée, la gymnastique peut réveiller cette douleur particulièrement insupportable. Il faut y être plus attentif qu’à la lombalgie proprement dite. Travaillez surtout dans l’axe du corps, le mouvement de l’avant vers l’arrière et vice versa (marche à grandes enjambées, vélo, natation, la marche au pas dans l’équitation). Prudence dans les mouvements de rotation (torsion du buste) et les inflexions latérales (épaule qui s’incline à droite ou à gauche). Ces mouvements sont conseillés mais sans chercher à les “dérouiller” trop loin.

Les exercices de réintégration discale

Pour inverser l’évolution d’une discopathie, il faut garder le nucleus mobile et décoincer les petits fragments qui commenceraient à s’incarcérer dans l’annulus. Démarrez toujours par des étirements lombaires pour décompresser le disque (excellente technique: la brasse sur le dos; vous pouvez aussi investir dans une table d’inversion). Puis passez à des exercices de rotation du bassin (mouvement du hula-hoop), en choisissant le sens qui vous paraît le plus confortable et en l’inversant de temps en temps. Ondulez franchement du bassin en avant lors du mouvement en cercle. Cela accentue les pressions postérieures sur l’annulus, capables de repousser des fragments de nucleus vers l’avant.

Cet exercice est dit de ‘réintégration discale’. Il est très bénéfique quand vous avez travaillé penché en avant un peu trop longtemps, ce qui déclenche facilement la petite douleur en barre lombaire, typiquement discale. D’une manière générale lorsque vous êtes resté dans une posture de colonne un peu trop figée, vous avez intérêt à faire un étirement vertical (auto-agrandissement) puis continuer l’étirement dans l’axe opposé à celui dans lequel vous étiez, pour recentrer vos noyaux discaux.

Ne pas écouter la douleur permanente, seulement ses variations

J’ai dit que le lombalgique est le mieux placé pour apprécier ses sensations et adapter ses exercices. Deux nuances :

La douleur de fond est mauvaise conseillère. La colonne est très riche en terminaisons nerveuses. Les douleurs y sont plus vives qu’ailleurs et il est impossible de s’y habituer. Des crises intermittentes peuvent être ‘habituelles’, mais la douleur continue ne fait que s’exacerber avec le temps, devenant discordante avec la réalité des lésions.

La fonction crée et renforce l’organe, et cela se vérifie pour les récepteurs de la douleur : sollicités en permanence ils enrichissent les terminaisons nerveuses de nouveaux capteurs. Vous n’êtes pas d’un naturel hypersensible ? Vous le deviendrez si la lombalgie est permanente. Des autopsies de lombalgiques chroniques ont montré une innervation de la colonne plus riche que la normale dans les endroits dont ils se sont longtemps plaints. Ne vous fiez donc plus à l’intensité d’une douleur permanente, seulement à ses variations.

La place des conseils et apprentissages

Deuxième nuance à l’auto-gestion : il est difficile de s’observer bouger et faire ses exercices. L’intervention d’un professionnel est quasi incontournable au début, pour améliorer votre proprioceptivité. Différentes techniques de rééducation existent. Comme pour l’ostéopathie. Étoffer son éducation thérapeutique c’est apprendre de nouvelles techniques et les comparer sur soi.

Mais attention à ne pas trop déléguer et transformer sa conscience en une sorte de philosophe de l’exercice physique, qui passe son temps à prendre des rendez-vous, à étudier, tester, et ne jamais s’engager dans la moindre entreprise propriétaire. Les changements anatomiques et proprioceptifs ne surviennent pas en quelques séances, surtout courtes et espacées. D’innombrables rééducations échouent parce qu’elles totalisent une heure ou deux d’exercices par semaine, et rien ne change pour la colonne le reste du temps. C’est une à deux heures par jour qui sont au minimum nécessaires. Il faut devenir son propre coach !

Auto-coaching

En réalisant les exercices, mieux vaut mettre la conscience et ses craintes en vacances, et suivre son instinct physique. Occupez votre attention consciente avec un casque audio qui lui dévidera un podcast ou un livre audio. Elle vous réclamera sa séance quotidienne pour connaître la suite ! Si les exercices vous paraissent difficiles ou contre-productifs, cherchez un oeil extérieur. Filmez-vous, ou regardez des vidéos de démonstration. Stimulez votre motivation. Réussir à changer une hygiène de vie est la rendre plaisante, pas carcérale. Les anti-douleurs ne remplacent pas un déficit en plaisir. Offrez-vous des récompenses quand vous avez bien travaillé. Maternez votre colonne irritable et vexée par l’effort. Cajolez-la et offrez-lui un petit massage.

Les efforts physiques professionnels

Dans un job, soyez au moins en partie votre propre employeur. Seule manière d’accéder à l’auto-organisation. Parfois la conscience-employeur ne ménage guère son corps-employé. Les artisans ont rarement les lombaires insensibles. Si vous êtes salarié, tâcher de diviser vos tâches répétitives et les varier. Elles sont très éprouvantes ? Conserver ou améliorer son aptitude physique est un impératif. En étant lombalgique, vous aurez tendance à fuir les charges et chercher des postes allégés. Mais si vous n’avez pas le choix, mieux vaut faire natation et musculation pendant vos loisirs que compter sur les ceintures ou la mansuétude de l’employeur. Programmez aussi votre carrière. Comptez sur votre forme physique quand vous êtes jeune mais augmentez vos compétences pour élargir les opportunités de milieu de carrière.

Beaucoup de travailleurs physiques ont des fins d‘activité difficiles, suivies de retraites encore plus pénibles, parce qu’ils perdent leur protection musculaire en n’occupant pas activement les journées libérées. Il semble logique que les douleurs s’accentuent avec l’âge et les lésions accumulées, mais l’aggravation a deux raisons supplémentaires, qui peuvent être corrigées :

1) Négliger son entretien physique. Pas d’échauffement, pas d’étirement avant de commencer l’effort, alors que le travailleur manuel est un “sportif de chantier” et devrait soigner sa préparation comme un coureur. Les sports de détente sont aussi négligés, à cause de la fatigue. Mais cette fatigue vient de la répétitivité des tâches et de l’épuisement des nerfs qui les commandent. Faire autre chose, une activité qui relaxe plus qu’elle ne sollicite les muscles, est profitable. Natation à privilégier.

2) Le travailleur rode parfaitement ses gestes professionnels… qui deviennent au final très répétitifs, sollicitant toujours les mêmes endroits. Alors plus l’on est consacré aux métiers physiques, plus il faut varier ses tâches et postures. L’ouvrier polyvalent s’en tire mieux que le spécialisé, l’auto-entrepreneur que le tâcheron.

Conclusion

Il est temps d’investir dans un maillot de bain ou une tenue de gymnastique pour signaler vos nouvelles résolutions. Les apparences comptent énormément ! Pour que la conscience se place en situation de coach il faut qu’elle visualise un corps habillé pour l’exercice. Brisez ainsi la continuité de vos habitudes. Définissez un nouveau compartiment dans votre journée et construisez-y de nouvelles marches, pour élever la colonne au-dessus de sa douleur.

*

(1) Global, regional, and national burden of low back pain, 1990-2020, its attributable risk factors, and projections to 2050: a systematic analysis of the Global Burden of Disease Study 2021. GBD 2021 Low Back Pain Collaborators, Lancet Rheumatol. 2023 ; 5(6):e316-e329

(2) Coeuret-Pellicer M et al : Are tall people at higher risk of low back pain surgery? A discussion on the results of a multipurpose cohort. Arthritis and rheumatism 2010.

1 réflexion au sujet de « Attention à la petite barre lombaire ! »

  1. Pourquoi fait-on toujours des hernies vers l’arrière et un peu sur le côté du disque ?
    Plusieurs raisons:
    -Le ligament antérieur est très épais et solide.
    -Les efforts en extension sont plus rares et moins intenses que ceux en flexion antérieure.
    -L’annulus est plus épais sur la ligne médiane, un peu plus mince sur les côtés, expliquant que les hernies sont presque toujours postéro-latérales.

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