Le repos musculaire actif !

Au bout du rouleau

Repos actif ? Voilà un bel oxymore, n’est-ce pas ? Le concept est précieux pour tout problème de muscle sur-sollicité. Sa mise au repos semble nécessaire, mais l’inactivité réduit l’anabolisme et donc freine son adaptation à l’effort. Comment faire ?

Deux propriétés de l’appareil locomoteur vont nous aider :
1) Un muscle ne travaille jamais seul ; il fait partie d’un groupe. Les autres composants peuvent soutenir le muscle surmené sans que celui-ci soit arrêté. Un rééducateur aide à analyser finement les corrections gestuelles à faire. La méthode générale est simple : continuez à faire travailler l’articulation, mais dans des axes nettement différents de ceux qui ont surmené le muscle.

2) Les muscles actifs libèrent leurs métabolites localement, mais aussi dans la circulation générale. C’est toute la musculature qui bénéficie du travail de groupes locaux. De même au niveau neurologique : l’activité de groupes moteurs augmente l’entretien et les ressources consacrées à l’ensemble des aires neurales motrices. Vos épaules sont surmenées ? Ne les reposez pas, faites travailler vos jambes.

Une anti-vie de repos

Le repos, dans les pathologies douloureuses traînantes, devient facilement un mode de vie, aux effets secondaires aussi catastrophiques que dissimulés. Dans une société qui subvient à nos moindres besoins et qui soutient remarquablement ses handicapés, le repos se justifie, se prolonge, devient une absence d’envie, s’installe définitivement. L’effort et son cortège de désagréments sont un mauvais souvenir. Pourquoi ne pas s’en passer ?

Un autre piège fréquent est la perspective d’un traitement qui va résoudre notre problème de douleur. Puisque la libération est en vue, pourquoi s’astreindre à une activité pénible ? Il sera plus facile de se rattraper après. L’exemple le plus courant est le remplacement prothétique. Quel intérêt de s’efforcer de marcher tous les jours quand un genou est fichu et partira bientôt à la poubelle ? N’allons-nous pas plutôt créer d’autres problèmes en boitillant ?

C’est vrai, les articulations travaillent toutes en chaîne et une démarche perturbée a toutes les chances de provoquer d’autres dégâts. Mais si la rééducation et le traitement médical n’ont pas réussi à corriger le problème, la bonne décision est de programmer l’opération, pas se mettre au repos.

Se préparer à une prothèse

Les résultats chirurgicaux sont spectaculairement meilleurs chez les personnes en bon état général et fonctionnel avant l’intervention. Vous ne l’êtes plus ? Commencez votre remise en état bien avant de vous présenter au bloc. La rééducation pré-opératoire est dans ce cas plus importante que la post-opératoire. La cicatrisation et la récupération seront améliorées. Même si vous n’avez pas l’impression d’être trop dégradé, augmenter les exercices doux et réguliers avant l’intervention est une bonne idée. Vous inversez la pente de votre métabolisme ; au lieu d’un ralentissement vous stimulez la reconstruction.

De cette manière, les prothèses de genou sont posées à présent dans la journée, sans hospitalisation, chez des patients bien préparés, avec un mini-abord chirurgical qui agresse plus modestement les tissus. La rééducation a démarré avant et est rapidement reprise, après quelques jours de simples mobilisations passives.

Sans précipitation

Attention, ces conseils ne doivent pas conduire à des décisions d’opération hâtives. Faites-vous toujours dire par un expert, ou plusieurs, que l’intervention est nécessaire, peut-être pas en urgence mais inéluctablement. Si c’est le cas n’attendez pas le dernier moment, par trouille de l’opération. Si vous savez qu’une pièce de votre voiture doit être changée, attendez-vous qu’elle vous lâche sur la route ?

Dans bien des cas, une reprise d’activité bien conduite fait régresser les douleurs et fait reconsidérer la nécessité d’une intervention. En fait c’est presque un test obligatoire pour juger du résultat futur d’une opération. Si vous ne parvenez pas à démarrer ce reconditionnement à l’effort, que votre tolérance à la douleur s’est effondrée, sans doute l’opération ne transformera-t-elle pas votre vie comme vous l’espérez. L’image de soi, l’espoir, la pugnacité, le vieillissement et même la douleur, tout cela est un ballet qui se déroule dans votre tête et nulle part ailleurs. Physiquement ce ne sont que variations métaboliques et excitations électro-chimiques. Le libre-arbitre est le pouvoir de, quelque peu, s’en émanciper.

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