Syndrome du canal carpien: s’améliorer sans opération

L’un des problèmes rhumatologiques les plus courants

Le syndrome du canal carpien (SCC) est d’une fréquence telle que les concernés viennent souvent avec leur diagnostic chez le médecin. Il s’agit de disesthésies d’une ou deux mains, volontiers nocturnes. Disesthésies? C’est toute une gamme de sensations anormales : picotement, fourmillement, engourdissement, fulguration, chaleur, anesthésie. Le nerf médian, qui assure la sensibilité de la main, envoie des signaux incohérents, alors que la main ne semble agressée en aucune manière, est parfaitement normale à l’inspection.

Les disesthésies concernent classiquement les 3 premiers doigts et la moitié du 4ème —un autre nerf, le cubital, assure la sensibilité du reste. Mais ce territoire est très variable en fait. L’anatomie nerveuse varie d’une personne à l’autre ; et il existe un phénomène de recrutement des neurones sensitifs par leurs voisins excités chroniquement. Si bien que la gêne peut concerner la main entière, voire remonter le bras jusqu’à l’épaule.

Un spaghetti mou au milieu de cordes dures

En cause: la compression du nerf médian dans le canal carpien, à la base de la paume. Ce canal est une gouttière osseuse formée par les petits os du poignet (le carpe). Le ligament annulaire du carpe ferme le toit de la gouttière, tendu d’un bord à l’autre. Beaucoup de choses se bousculent à l’intérieur : tendons, muscles, vaisseaux. Au milieu, le nerf médian est un spaghetti mou d’environ 1,5mm de diamètre, qui se fait agresser facilement par les autres structures, en particulier si elles enflent. C’est le cas par exemple d’un tendon qui travaille trop continuellement. Un léger oedème du tendon apparaît, ainsi qu’une augmentation de la fine couche de lubrifiant (la synovie) dans sa gaine. L’activité manuelle répétitive est ainsi la cause la plus fréquente du SCC.

Orthèse et infiltration

Le traitement habituel consiste à réduire la congestion locale, soit par une orthèse d’immobilisation, soit par une infiltration de corticoïdes. L’intérêt de l’orthèse est limité. Elle ne fait guère mieux que se mettre au repos manuel. Sa présence évite d’aggraver les choses mais handicape la gestuelle et ne résout pas le problème sur le fond. De même, l’infiltration reste le traitement d’un SCC ponctuel, déclenché par exemple par un jardinage intensif ou une grossesse —la grossesse augmente l’oedème des tissus, décompensant les endroits où les nerfs sont à l’étroit. L’infiltration est très efficace mais n’est pas à répéter régulièrement. En fait elle est assez pénible pour éviter l’accoutumance !

Chirurgie

Les récidives du SCC sont une indication chirurgicale fréquente. Intervention bénigne, réalisée sous anesthésie locale, en ambulatoire. Le chirurgien fait une petite incision à la base de la paume, passe une canule sous le ligament annulaire, et le sectionne sur une longueur suffisante pour bien décompresser le canal sous-jacent. Les complications sont rares. La cicatrice peut être bourgeonnante voire chéloïde —épaissie inflammatoire et sensible pendant plusieurs mois—, ce qui se traite par de petites injections complémentaires locales. Les travailleurs manuels peuvent ressentir une petite perte de force dans l’opposition du pouce et de l’auriculaire, le ligament annulaire contribuant à stabiliser ce mouvement. Mais ces séquelles sont minimes par rapport à la gêne du SCC lui-même.

Hydrodissection

Récemment une technique intermédiaire entre infiltration et chirurgie a donné de bons résultats : l’hydrodissection guidée par échographie. Elle consiste à injecter de l’eau salée le long du nerf médian pour le séparer des structures environnantes, et lui assurer ainsi une plus grande liberté. Une étude a comparé 3 groupes : l’un reçoit l’injection sous pression d’eau salée seule, le second eau et corticoïdes, le dernier infiltration classique de corticoïdes sans hydrodissection. Les 3 groupes sont améliorés à 1 mois, mais le bénéfice se maintient nettement mieux à 3 et 6 mois pour les deux premiers groupes, qui ont bénéficié de l’hydrodissection.

Cette technique ne vise pas à remplacer la chirurgie, qui reste plus définitive, mais si je vous la présente c’est qu’il existe une thérapie manuelle qui fait la même chose, que j’apprends depuis longtemps à mes patients en complément ou en alternative à une infiltration. J’ai pu moi-même me débarrasser ainsi d’un épisode de SCC après un jardinage intensif.

Digidissection

Appelons cette technique la digidissection. Elle consiste à dégager le nerf médian avec des massages très appuyés effectués par les interphalangiennes repliées de votre autre main. Fermez vos doigts : vos interphalangiennes deviennent des bosses dures, plus efficaces et moins fatigables pour masser que l’extrémité des doigts. Appuyez-les fortement à la base de la paume et glissez alternativement de haut en bas et de bas en haut, le long de vos tendons fléchisseurs, ces cordes dures que vous sentez sous la peau. Remontez bien jusqu’à la base de la paume et insistez fermement sur le ligament annulaire, une barre transversale qu’il est difficile de détendre.

Comme il faut appuyer fermement et insister, votre peau ne résistera pas longtemps à ce régime si vous le faites à sec. Mettez au préalable un peu d’huile. Pressez le plus possible en massant. Si vous avez bien un SCC et que vous êtes efficace, vous réveillez des élancements le long du nerf. C’est normal, il est coincé juste en dessous. Il ne s’agit pas de se faire mal, mais de faciliter la mobilité du nerf dans le canal. Après un réveil de la douleur sur le moment, l’irritation du nerf se calme dans les jours suivants. Bien sûr vous aurez stoppé vos activités manuelles excessives dans l’intervalle.

Bon courage avec la digidissection ! Elle peut vous éviter souvent infiltration et opération.

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RSNA – Anindita Bose, et coll. Non-Surgical Treatment Relieves Carpal Tunnel Syndrome Press Release, 2022

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