Êtes-vous correctement informés en matière de santé?

Qui est protégé?

L’information en matière de santé est une véritable imposture ! Pourquoi donc, alors qu’elle n’a jamais été aussi encadrée, rendue obligatoire ? Justement ! Cette obligation protège le médecin, le chirurgien, pas le malade. C’est à ce dernier à présent de prendre l’engagement d’une intervention jamais garantie à 100%. Le résultat escompté vaut-il les risques ? C’est au malade de le déterminer in fine. Est-il le meilleur juge ? Loin de là. Il n’est pas expert de santé, juge ses troubles avec une grande subjectivité, se compare à d’autres personnes ne souffrant pas exactement de la même chose, rencontre sur internet des marchands de miracles. Il est le moins bien placé pour s’auto-évaluer. Même le médecin ne s’y risque pas, quand il devient malade lui-même. Il demande à un confrère un avis plus objectif que le sien.

Si l’information et le consentement obligatoire ne font pas trop de dégâts en matière de santé, c’est qu’en pratique les malades ne font pas vraiment usage de leur liberté de choix. Ils se contentent de faire confiance à celui qui semble connaître son sujet, ou dont la réputation est excellente. Bonne idée qui n’a rien de révolutionnaire. Les malades procèdent ainsi depuis la nuit des temps. Signer un consentement éclairé, alors, n’est que se passer en plus la corde au cou : Si l’intervention échoue, pas la peine de venir vous plaindre que votre confiance était mal placée : vous avez signé.

La farce égalitariste

L’aberration des lois sur les procédures médicales provient, comme pour la majorité des lois, d’assumer que les citoyens —malades ou pas— sont tous égaux entre eux. Ils sont considérés égaux dans l’aptitude à signer leur consentement comme dans celle à mettre un bulletin dans l’urne électorale. Chacun sait que c’est une farce, mais c’est une farce agréable. Qui n’apprécie pas de se voir attribuer une parcelle de pouvoir sans démontrer qu’il la mérite ? En matière de santé le pouvoir est nouveau. Auparavant il appartenait exclusivement au médecin. Le voici revenu au bout de compte dans les mains du malade, concernant sa propre santé. Que doit-il en faire ? Vous avez le stylo du prescripteur entre les doigts, qu’allez-vous écrire ?

Quel constat fait-on tous les jours, dans un cabinet, en tant que médecin ? Certes il existe des gens bien informés, mal informés, ou n’ayant pas les moyens de s’informer, les premiers participant mieux à la décision que les autres. Mais ce n’est pas la meilleure façon de catégoriser les malades. Une autre division est plus pertinente : ceux qui ont besoin d’être rassurés d’un côté, ceux qui ont besoin d’être inquiétés de l’autre. Pas grand monde au milieu : les rares qui vont considérer la maladie comme une affaire banale, en général des professionnels de santé.

Rassureur ou inquiéteur, tout un métier…

Existe-t-il une différence d’éducation entre ceux qui ont besoin d’être rassurés et ceux qui ont besoin d’être inquiétés ? Oui pour les très hauts niveaux d’éducation, qui procurent une bonne assurance dans tous les domaines. Non pour la majorité des gens. Dans les couches sociales faiblement éduquées se trouvent autant d’inquiets, peu rassurés par leurs propres choix, que d’imperturbables, confiants en mettant leur sort dans les mains d’un expert. L’assurance, finalement, est de savoir délimiter le champ de sa propre compétence, peu importe la taille de ce champ.

Chez ceux qui ont besoin d’être rassurés, recevoir la responsabilité d’une intervention est vécu comme un devoir scolaire archi-difficile. Plantage assuré. « C’est vous qui savez, docteur ». Trop d’explications génère immédiatement de l’anxiété. L’information sur les risques change la perspective, la faisant passer de positive à négative. Alors que l’indication n’a en rien changé, le médecin vient d’administrer un effet nocebo « Ça risque de vous nuire » au lieu d’un placebo « Ça va certainement vous guérir ». Quand on sait la puissance étonnante de ces effets pour empêcher ou favoriser l’amélioration, quelle que soit la justesse du diagnostic médical, c’est à se demander s’il est vraiment éthique de forcer ces malades à s’informer le plus complètement possible.

Chez ceux qui ont besoin d’être inquiétés, l’assurance est mal placée. Trop d’enthousiasme, trop de foi en la science, trop de confiance dans un auto-diagnostic ou des conseils glanés sur le web, la nécessité de guérir à tout prix peu importe les risques, l’envie de rajeunir —la caricature dans cette catégorie étant le recours à la chirurgie esthétique. Ici l’information sur les risques n’est pas un nocebo mais un contre-feu à l’effet placebo un peu terrifiant que produisent les progrès technologiques. La science avance continuellement, alors on la fait avancer plus vite que la musique. Le médecin doit redonner le tempo juste.

Que ferait-il à votre place?

Qui vous informera correctement au final ? Aujourd’hui, heureusement l’information est fiable chez une immense majorité de médecins et chirurgiens. Pour la raison, entre autres, que toutes les salles d’attente sont pleines et qu’il est judicieux de sélectionner les malades les plus pertinents pour chaque intervention. Revers de la médaille : les files d’attente s’allongent.

Peut-on faire mieux que simplement suivre les recommandations de bonne pratique et d’information sur les risques, un peu trop générales ? Certainement. Il faut les personnaliser. Mais une telle démarche implique aussi une personnalisation de la relation malade-médecin. À quel point le médecin vous connaît-il bien ? Ou a-t-il une vaste expérience des gens qui lui permet d’établir très finement la catégorie à laquelle vous appartenez ? Ces deux critères sont importants. Le meilleur conseil médical n’est pas, comme on pourrait le croire, ce que ferait le médecin pour lui-même, mais ce qu’il ferait s’il était à votre place. Prêtez-lui donc votre peau quelques minutes…

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